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mercredi 1 mars 2017

interview de G.KLEIN du CLPS dans la publication de l'Institut fédératif des addictions comportementales





Interview de Gilbert Klein du Cercle laïque pour la prévention du sectarisme1, chercheur en droit.


Par rapport au livre « Les sectes et l’ordre public » paru en 2005, première étude de droit public sur la relation des sectes à la société, qu’avez-vous voulu préciser dans ce nouveau livre : « Dignité-liberté. Dérives sectaires et droits fondamentaux »2

Mon premier livre, issu de la thèse que j’ai soutenue en 2004, portait sur la question des sectes et du droit. J’y ai présenté des jugements des tribunaux français et de la Cour européenne des droits de l’homme concernant entre autres des groupes comme les témoins de Jéhovah, l’église de scientologie… Dans les multiples exemples des agissements des sectes, j’ai pu pointer des violations des droits reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) dans le cadre de rapports entre particuliers avec le consentement des victimes. J’ai réfléchi dans cette thèse au fait qu’il était difficile pour l’Etat français et les acteurs chargés de faire respecter les lois, d’opposer aux groupes sectaires des limites à leurs agissements. En France, tant qu’un groupe ne porte pas atteinte à la liberté d’autrui, les pouvoirs publics sont démunis. Les rédacteurs de la Déclaration de 1789 voyaient dans la liberté le droit de faire tout ce qui ne porte pas préjudice à autrui, mais ici, la question centrale est la suivante : suis-je libre de tout faire dès lors que je me porte préjudice à moi-même ? Ce n’est pas un simple exercice intellectuel : suis-je absolument libre de ne pas faire usage de ma ceinture de sécurité, de prendre des risques pour ma santé, ou, pour reprendre les termes d’un éminent spécialiste des libertés publiques, a-t-on le « droit de se détruire » ?

Dans ce nouveau livre, je fais état d’affaires nouvelles. J’essaie de montrer que l’on s’est trop vite mobilisé à un moment et que l’on a pris des décisions sans une véritable assise juridique. Par exemple, la France a été condamnée par la CEDH pour avoir soumis les Témoins de Jéhovah et trois autres associations à une taxation qui n’était pas suffisamment prévisible. Si l’administration avait été rigoureuse, la France n’aurait sans doute pas été condamnée.

Ce qui est compliqué avec les groupes sectaires c’est ce dilemme entre le respect des libertés individuelles et la protection des citoyens dans le cadre des missions de la République.

Les choses ont un peu changé : on a pris du recul. La CEDH a statué dans des affaires à l’occasion desquelles elle a tenu compte de la violation des droits fondamentaux à laquelle se livraient des groupes sectaires. Elle a admis notamment que les autorités helvétiques refusent à un groupe l’usage d’équipements publics. Ce groupe avait édité des publications douteuses concernant la pédophilie et des membres avaient été condamnés pour des pratiques répréhensibles. Ce « mouvement » avait également été débouté dans des procédures en diffamation. La Cour européenne avait admis que les autorités lui refusent une campagne d’affichage sur les panneaux qui appartenaient à la collectivité. Mais elle avait semblé exclure l’interdiction totale de ce groupe. Les « Juges de Strasbourg » préféraient que seules les mesures restrictives de libertés les plus légères soient retenues.

Pour en venir à ce qui vous concerne de plus près à savoir, la santé et les groupes sectaires, il existe des sectes qui prétendent vous guérir de toutes les maladies comme le cancer, le sida… ou de dépendances comme la toxicomanie, la dépendance à l’alcool, au tabac… Ceux qui disent ne plus être « addicts » à un produit « remplacent » cette addiction par l’emprise sectaire. Est-ce que c’est un mieux pour la personne ? Toute la question reste posée.

Vous abordez également la question de l’emprise sectaire sous l’angle de la perte de dignité pour un être humain. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La question est celle de l’emprise de personnes qui « obéissent » à leur gourou et s’imaginent qu’ils le font dans leur intérêt. En fait c’est une annihilation de leur libre arbitre, une servitude volontaire. La victime croit avoir le choix. A partir du moment où il y a emprise, où se situe la liberté d’agir ? Il ne peut y avoir de dignité humaine sans liberté de conscience.


L’administration, et notamment les maires, ne peuvent fonder une quelconque décision sur une violation d’une disposition de la Convention européenne des droits de l’Homme : aucun texte ne les habilite à le faire. En revanche, le Conseil d’État, à partir de l’affaire dite des « lancers de nains », a statué que le respect de la dignité humaine était une composante de l’ordre public. Et c’est cette notion qui pourrait et devrait fonder en droit les décisions judiciaires qui concernent les groupes sectaires lorsqu’ils portent atteinte à l’individu.

Les autorités publiques ont effectivement en charge l’ordre public mais elles doivent aussi être conscientes qu’un sentiment de dévalorisation de soi dès lors qu’il est voulu, est une atteinte à la dignité de la personne. La problématique est proche de cette sensation vécue dans le cadre du harcèlement au travail.

On peut tout à fait argumenter de cette façon quant aux pratiques sectaires. Le fait d’avoir perdu toute liberté de penser et d’agir dans un environnement sectaire est une atteinte à sa liberté de penser.

La secte créée de la dépendance dans la tête de ses adeptes mais il est difficile de traduire cette notion en langage juridique ; des auteurs et des parlementaires avaient naguère voulu créer un délit de manipulation mentale. Simultanément chercheur et militant associatif, mon objectif a été précisément de trouver des outils appropriés mais sans pour autant porter atteinte à la tradition libérale du droit français, en excluant toute solution à l’emporte-pièce  !


1 Blog du Cercle laïque pour la prévention du sectarisme : http://actu-sectarisme.blogspot.fr/
2 Blog du livre : http://dignite-liberte.blogspot.fr/

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